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Irrigation goutte à goutte
Irrigation goutte à goutte - photo : DR

La surexploitation des eaux souterraines menace la nappe

Un rapport alarmiste met le gouvernement sénégalais en garde contre la surexploitation de la nappe phréatique dans les Niayes.

Jérémie Vaudaux, envoyé spécial dans les Niayes, commente la situation chaotique de la nappe phréatique, qui dépend fortement de la recharge pluviométrique et qui connaît donc une baisse depuis les années 70, à cause de la sécheresse. En effet, la modernisation des techniques agricoles a intensifié l’exploitation maraîchère des Niayes, une bande côtière qui assure à elle seule 70 % de la production nationale indique Liberation. Ce faisant, cet écosystème est aujourd’hui sous tension et fragile.

Issu d’une famille de propriétaires terriens, Omar Dia s’est naturellement orienté vers la culture maraîchère de dix hectares situés dans une cuvette fertile. Ce producteur du village de Tébène, dans la commune de Thièppe exprime les réalités de ce métier en ces mots : « Le travail est dur et répétitif, mais je n’échangerais pas ma place contre ceux qui consomment mes tomates, à Dakar ». Située en plein cœur des Niayes, son exploitation bénéficie d’un microclimat tempéré créé par les alizés humides de Dakar à Saint-Louis.

Cet homme qui a parcouru l’Europe et la Turquie, s’est essayé au business du poissons et au commerce de matériel agricole, avant de revenir dix ans plus tard dans sa région natale. Il n’a pas manqué de remarquer que la vie y est plus douce « qu’en Europe et dans les villes ». Pour lui, il est plus que nécessaire de préserver cet écosystème, or depuis son retour, il n’a pu s’empêcher de noter la baisse du niveau de la nappe. Un constat que plusieurs scientifiques partagent également.

En effet, cette nappe qui dépend des précipitations pluviométriques connaît une baisse depuis les sécheresses des années 1970. Aujourd’hui, les 180 km de la zone des Niayes se retrouvent menacés, à cause d’une surexploitation de la nappe phréatique par les pas moins de 10 000 maraîchers qui assurent 70 % de la production nationale en fruits et légumes, outre les forages villageois et la société publique Sen’eau, qui s’y approvisionne afin d’alimenter la ville de Dakar.

Pour compenser ces pompages multiples, la nature qui a horreur du vide accueille l’eau de mer. En effet, celle-ci remonte dans les puits au gré de l’élévation du niveau d’eau de l’océan sur le littoral sénégalais. Selon les projections de la Banque mondiale, on peut s’attendre à une hausse de 20 centimètres d’ici l’horizon 2030 et 80 cm en 2080.

Sur la berge Atlantique de la commune de Thieppe, le nombre de forages est tout aussi important, on note une multiplication par vingt au cours de ces dernières années. Et lorsqu’on avance à l’intérieur des terres, on s’aperçoit que certains puits de 16 mètres sont complètement asséchés, aux dires de Ibrahima Bâ.

Ce natif de Galdoumel, un village de la commune de Thieppe, a d’ailleurs produit un rapport en 2021 faisant état de la situation critique dans le cadre de l’obtention de son BTS en géomatique. Il y fait particulièrement mention du manque d’informations climatiques à disposition des maraîchers. Aujourd’hui gérant de l’exploitation familiale, Ibrahima Bâ, tente tant bien que mal de mettre à profit les connaissances acquises dans sa formation pour sensibiliser ses collègues dans la commune. Il doit cependant faire face à un obstacle de taille, c’est le manque d’éducation. Les maraîchers analphabètes ne font pas confiance aux rapports techniques ni aux alertes lancées par les jeunes de la commune. Il faut savoir que dans les Niayes, l’analphabétisme atteint le seuil de 84.3 % des maraîchers.

« Il est urgent que les politiques publiques intègrent une meilleure gestion des ressources en eau d’irrigation afin d’assurer leur longévité pour une production horticole durable dans les Niayes.”

Pourtant, ce ne sont pas les études alarmistes qui font défaut. Dans sa soutenance de thèse publiée en 2019, Amy Faye, chercheuse à l’Institut sénégalais de recherche agricole, partageait son inquiétude en ces termes « Les prévisions climatiques qui empêchent l’optimisme poussent à s’interroger sur l’avenir de la production horticole face à un déficit pluviométrique persistant. ». D’après la thésarde, il était urgent que les politiques publiques intègrent de meilleurs mécanismes de gouvernance des ressources en eau d’irrigation pour assurer leur pérennité pour une production horticole durable dans les Niayes».

Dans un sursaut de conscience, l’Etat a lancé la toute première phase du Projet d’intensification éco-soutenable à l’agriculture des Niayes au printemps 2021. Le programme reconnaît les tensions qui pèsent sur la bande côtière et se fixe comme premier objectif, l’atténuation des mécanismes de dégradation naturelle des terres. Omar Dia se veut le premier en ligne de mire, il entend organiser une collaboration entre maraîchers afin de planter des arbres et d’éveiller les consciences.

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